Au moment de commencer les premières toiles de cette Petite cosmogonie jubilatoire, j’étais  envoûtée et complètement déstabilisée par le texte poétique écrit par Rodney Saint-Éloi en mémoire de son ami Jacques Roche, lâchement torturé et assassiné à Port-au-Prince en juillet  2005. Je croyais alors m’aventurer dans une exploration de l’expression de la douleur liée à la  disparition de nos aimés. Lorsque je plonge dans le travail créatif, je laisse volontairement de côté tous mes repères. Comme  à l’accoutumée, j’ai donc abordé mon travail par le biais des couleurs, des textures et des  combinaisons de matières. Je traduis ainsi dans l’abstraction d’abord, les sentiments et le propos qui m’habitent. Je rature, j’efface, je sacrifie pour réécrire le texte nouveau. Je m’embrouille pour finalement décoder le sens profond. Peu à peu, des allusions apparaissent. Je les accepte et je tente de les préciser, de les définir.

 

À ma grande surprise au cours de cette démarche créative, des oiseaux sont apparus. D’emblée, ils symbolisaient pour moi l’esprit, l’âme. Ils allaient dans le sens de mon propos initial. J’ai  cependant vite compris qu’ils me signifiaient tout autre chose. Ces multiples figures emplumées parlaient plutôt de résilience de diverses façons, la plupart sur un mode jubilatoire. Or, cette  propension de l’Homme à se ressaisir m’a toujours fascinée. J’aime observer mes semblables avec la certitude d’en tirer des enseignements. Le décodage des sources de résilience chez autrui, nous aide souvent à trouver en nous les ressources de notre propre salvation.

 

Un texte, conte ou fable, accompagne chaque toile. Une fois les œuvres terminées, elles continuaient  de m’interpeler. Je sentais que je n’avais pas tout dit. Je me suis longuement interrogée devant chacune, me demandant ce qu‘elle tenait à me raconter. Curieusement, au moment où j’arrivais à prénommer les principaux protagonistes de la toile, leur histoire s’imposait de soi. Elle s’écrivait pratiquement toute seule. Et elle parlait toujours de résilience.

 

Ces contes tracent la voie aux multiples  interprétations possibles, incitant le spectateur à trouver  sa voix intime. La toile perçue d’abord en elle-même, sera donc enrichie par la perspective  d’ouverture dispensée par le texte. L’espoir lumineux que je débusque dans ce recueil ludique de situations transposées en images et en mots, me réconforte et m’apaise. Les poètes ne meurent pas, ils soulèvent des nuées d’espérance qui nous incitent à poursuivre.

Texte de Anne-Yvonne Jouan
Directrice générale et artistique
Société d'art et d'histoire de Beauport

 

 

 

Mimi Lépine, tous droits réservés

Petite cosmogonie jubilatoire

Au moment de commencer les premières toiles de cette Petite cosmogonie jubilatoire, j’étais  envoûtée et complètement déstabilisée par le texte poétique écrit par Rodney Saint-Éloi en mémoire de son ami Jacques Roche, lâchement torturé et assassiné à Port-au-Prince en juillet  2005. Je croyais alors m’aventurer dans une exploration de l’expression de la douleur liée à la  disparition de nos aimés. Lorsque je plonge dans le travail créatif, je laisse volontairement de côté tous mes repères. Comme  à l’accoutumée, j’ai donc abordé mon travail par le biais des couleurs, des textures et des  combinaisons de matières. Je traduis ainsi dans l’abstraction d’abord, les sentiments et le propos qui m’habitent. Je rature, j’efface, je sacrifie pour réécrire le texte nouveau. Je m’embrouille pour finalement décoder le sens profond. Peu à peu, des allusions apparaissent. Je les accepte et je tente de les préciser, de les définir.

 

À ma grande surprise au cours de cette démarche créative, des oiseaux sont apparus. D’emblée, ils symbolisaient pour moi l’esprit, l’âme. Ils allaient dans le sens de mon propos initial. J’ai  cependant vite compris qu’ils me signifiaient tout autre chose. Ces multiples figures emplumées parlaient plutôt de résilience de diverses façons, la plupart sur un mode jubilatoire. Or, cette  propension de l’Homme à se ressaisir m’a toujours fascinée. J’aime observer mes semblables avec la certitude d’en tirer des enseignements. Le décodage des sources de résilience chez autrui, nous aide souvent à trouver en nous les ressources de notre propre salvation.

 

Un texte, conte ou fable, accompagne chaque toile. Une fois les œuvres terminées, elles continuaient  de m’interpeler. Je sentais que je n’avais pas tout dit. Je me suis longuement interrogée devant chacune, me demandant ce qu‘elle tenait à me raconter. Curieusement, au moment où j’arrivais à prénommer les principaux protagonistes de la toile, leur histoire s’imposait de soi. Elle s’écrivait pratiquement toute seule. Et elle parlait toujours de résilience.

 

Ces contes tracent la voie aux multiples  interprétations possibles, incitant le spectateur à trouver  sa voix intime. La toile perçue d’abord en elle-même, sera donc enrichie par la perspective  d’ouverture dispensée par le texte. L’espoir lumineux que je débusque dans ce recueil ludique de situations transposées en images et en mots, me réconforte et m’apaise. Les poètes ne meurent pas, ils soulèvent des nuées d’espérance qui nous incitent à poursuivre.

Texte de Anne-Yvonne Jouan
Directrice générale et artistique
Société d'art et d'histoire de Beauport